Le Cameroun sur la voie de l’élimination de l’éléphantiasis
Maroua – « Au début, j’avais des démangeaisons, je grattais mon corps tout le temps, puis mon pied s’est mis à enfler », confie Jacob, 56 ans, agriculteur à Goudour dans l’extrême nord du Cameroun. « J’avais honte d’aller en public. Je me couvrais le pied et tout le monde me regardait bizarrement. Je ne pouvais même plus travailler normalement. »
Jacob a été atteint de la filariose lymphatique plus connue sous le nom d’éléphantiasis, il y a quelques années. Cette maladie parasitaire handicapante se transmet d’une personne à une autre par la piqûre du moustique anophèle, le même qui transmet le paludisme.
Selon une cartographie réalisée au Cameroun entre 2010 et 2012, avec l’appui de l’USAID, 144 districts sanitaires sur les 205 que compte le pays sont touchés par la filariose lymphatique et les 10 régions du pays sont concernées.
A la suite de ce constat, le pays s’est doté d’un plan d’élimination de la filariose lymphatique à l’horizon 2030. Ce plan se base entre autres sur le traitement communautaire et la prise en charge des complications.
Ainsi, le Ministère de la Santé Publique a mené des campagnes de traitement de masse pendant 10 ans dans les zones affectées. Chaque année, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) met à la disposition du pays plus de 11 millions de comprimés d’Albendazole qui ont été administrés aux communautés des 144 districts sanitaires endémiques.
L’Organisation a également appuyé la formation des travailleurs de la santé dans la prise en charge des cas mais aussi dans le stockage des médicaments, la tenue des registres et la supervision des opérations de distribution.
Quant aux agents de santé communautaire, ils ont été formés à la mobilisation et à la sensibilisation. Leur mission est de prendre contact avec les communautés en vue de les informer sur la maladie et le bien-fondé du traitement communautaire.
« Au départ, les gens pensaient que c’est une maladie mystique, due à la sorcellerie, aux mauvais sorts et même au manque d’hygiène. Les membres enflés étaient considérés comme des symptômes du cancer », fait noter Pascal Sawalda, agent de santé communautaire à Goudour.
A cause de la méconnaissance de la maladie et des fausses croyances, les malades ont souvent recours aux tradipraticiens et exorcistes. « Pour convaincre les patients de se départir de fausses croyances, j’utilise des témoignages d’anciens malades en insistant sur les complications résultant du fait de ne pas soigner la maladie et en soulignant les bienfaits de la prise de médicaments en communauté. »
Avec l'implication des agents de santé communautaire à travers la sensibilisation, la recherche de cas de complications et la référence vers les formations sanitaires, les mentalités évoluent sur la maladie et les résultats sont encourageants.
La mise en œuvre de ces campagnes de traitement de masse entre 2012 et 2022 a permis de grandes avancées en faveur de l’élimination de la filariose lymphatique au Cameroun. En effet, les premières évaluations ont montré que tous les 144 districts sanitaires ont atteint le point d’arrêt de la distribution de masse des médicaments. « A ce jour, 143 districts sanitaires ont passé la première enquête de surveillance et 96 ont déjà passé la deuxième enquête de surveillance », indique Dre Blandine Clarisse Ebene, Secrétaire permanente adjointe du Programme national de lutte contre l’onchocercose et la filariose lymphatique au Ministère de la santé publique.
« Le programme a reçu l’appui technique et financier de l’OMS pour faciliter la réalisation des enquêtes de cartographie, l’acquisition de médicaments, le renforcement de capacités des responsables du programme pour la mise en œuvre des traitements de masse et des enquêtes d’impact des traitements de masse. Cet appui a contribué à l’atteinte des résultats actuels. »
Malgré ces avancées, des défis restent à relever dont la prise en charge de la morbidité liée à la filariose lymphatique. Pour y arriver, le pays peut compter sur ses partenaires dont l'OMS.
« Nous accompagnerons le pays jusqu’à la certification de l’élimination de la filariose lymphatique », s’engage DrPhanuel Habimana, Représentant de l’OMS au Cameroun, au nom de l’Organisation.
« Le Cameroun mène une lutte transversale contre la filariose lymphatique. Le pays associe aux campagnes de distribution de masse une lutte anti vectorielle, en mettant à la disposition des populations des moustiquaires imprégnées d’insecticide. »
« Le fait que cette maladie soit presque éliminée dans ma communauté, me rend fier et soulagé, car cette maladie est invalidante et crée la stigmatisation », se réjouit Pascal, l’agent de santé communautaire.
A Goudour, Jacob totalement guéri a repris le cours de sa vie. « Je me suis rendu à l’hôpital où j’ai reçu des médicaments. J’ai suivi le traitement de masse pendant 6 ans. Depuis, je ne me gratte plus le corps, mon pied a cessé de gonfler », témoigne-t-il. « Aujourd’hui, je vaque normalement à mes occupations et j’ai retrouvé mes amis. »
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